A 74 ans, la cinéaste française Catherine Breillat revient en compétition cannoise avec un film qui affronte sans détour le seul tabou encore exclu de la tolérance libérale : le sexe entre adultes et enfants. Dans le passé, elle a travaillé avec des stars du porno, a été l’une des premières à montrer une érection dans un film d’art et d’essai et s’est mérité le surnom de « porno auteuriste ». L’été dernier est moins graphique, mais tout aussi inquiétant – pas simplement pour le fait qu’une femme au début de la cinquantaine a une liaison explosive avec son beau-fils adolescent, mais pour la façon dont Breillat montre une famille bourgeoise se fracturant, recouvrant les fissures de mensonges et finalement se réparer, les pommades du silence et de l’hypocrisie garantissant que rien de désagréable n’est exposé et que rien ne change. Un film très chargé politiquement, donc, même s’il s’agit surtout d’une femme et d’un garçon qui font l’amour derrière le bûcher. Il faut dire que willowy Theo (Samuel Kircher) n’est pas un enfant, si ce n’est au sens légal, bien qu’on n’apprenne jamais son âge exact. Il se prélasse dans la maison de son père en fumant, se saoule dans les bars et ramène des filles à la maison pour le sexe, il a donc réussi à identifier toute une gamme de vices adultes. Mais il n’est pas non plus l’idée que tout le monde se fait d’un adulte. Theo n’est là que pour se prélasser car il a été suspendu de l’école pour avoir frappé un enseignant. On ne sait pas pourquoi il n’est pas avec sa mère plutôt qu’avec le père qu’il n’a vu que par intermittence depuis sa petite enfance, mais il n’est pas question qu’il vive de manière indépendante. Il est trop jeune pour être responsable de quoi que ce soit de plus onéreux que de ramasser ses chaussettes. En fait, il ne peut même pas faire ça. Il manque également des repères sociaux, parle hors de son tour et, d’une manière très adolescente, est tout simplement ennuyeux. Ainsi, lorsqu’il développe un énorme béguin pour sa belle-mère Anne (Lea Drucker, donnant une merveilleuse performance dans laquelle elle vire de manière convaincante entre les multiples moi de son personnage), il la poursuit avec la détermination d’un enfant à faire ce qu’il veut. Inévitablement, la vapeur de la passion monte. L’été est chaud : le jardin de leur maison de campagne est luxuriant, l’opportunité se présente à chaque tournant. Théo n’a qu’à proposer à Anne de venir jeter un œil au jeu vidéo totalement cool auquel il joue sur son téléphone – pas exactement le truc d’Anne – pour qu’elle saute sur l’excuse pour se blottir sur son lit. Ce n’est pas exactement de l’inceste, bien que Breillat brise certainement cette barrière aussi. Mais c’est toutes sortes de torts. Anne trahit non seulement son mariage avec le père de Théo, Pierre (Olivier Rabourdin), mais l’idée qu’elle se fait d’elle-même. Elle est avocate en droit de la famille et défende les droits des enfants. elle est sévère avec ses clients et rigoureusement contrôlée dans sa propre vie. Elle dirige une maison lisse où même le petit-déjeuner est une occasion d’élégance. Ses soirées sont consacrées à annoter les rapports des autorités de protection de l’enfance. Le jour, elle porte des chemises en lin de bon goût avec des talons hauts assortis, même dans le jardin. Assez souvent, elle assortit ses propres meubles : une symphonie de bon goût de crème et de beige. Elle et Pierre ont adopté deux petites filles asiatiques ; elle les emmène aux écuries locales pour monter des poneys, portant un kit de piratage complet et transportant des cravaches d’équitation demi-taille. Théo est un élément voyou dans tout cela, mais les petites filles l’adorent. Et il s’avère que c’est le cas de leur mère. Breillat montre leur plaisir, qui est très certainement génital, en grande partie à travers leurs visages. Leur premier, elle se concentre sur Theo qui regarde intensément Anne, son souffle coupé, sa libération finale joyeuse. La prochaine fois, nous restons avec Anne. Ses yeux sont fermés, sa gorge serrée. Elle atteint une extase en étant notablement absente du rapport sexuel aimable qu’elle a avec son mari. Ces séquences sont beaucoup plus inconfortables à regarder que ne le serait un enchevêtrement de jambes arrangées par un coordinateur d’intimité ; ils sont également beaucoup plus longs que ne l’exigent les conventions actuelles. Breillat est cavalier avec les détails de l’intrigue ou de leur situation difficile; une affaire judiciaire qui menace de ruiner la carrière d’Anne passe et est en quelque sorte résolue entièrement hors scène. Là où elle ne lésine jamais, c’est dans les rencontres entre Anne et Théo. La force même de cette concentration rend le rejet ultérieur d’Anne, non seulement de Theo lui-même mais de la vérité des événements une fois qu’il y a une menace d’exposition, d’autant plus dévastateur. Entendre un défenseur des enfants dire à un jeune que personne ne croira sa parole contre la sienne – le genre de congédiement dégradant qu’elle combat tous les jours au nom de ses clients – nous donne le souffle coupé. Est-ce vraiment l’amant abandonné des scènes précédentes, qui ne riait de rien par pur bonheur et risquait tout ? Et pourtant, au même instant, son mensonge sonne parfaitement vrai. Sa cruauté aussi. Elle a trop à protéger. Catherine Breillat n’a certes pas renoncé à sa vocation d’étourdir la bourgeoisie, mais ce serait une erreur de la considérer comme un simple choc cinématographique, privilégiant l’effet au fond. L’indignation est son arme. Dans Last Summer, chaque tir trouve sa cible.
Titre: L’été dernier (L’été dernier)Festival: Cannes (Concours)Réalisateur-scénariste : Catherine BreillatJeter: Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin, Clotilde CourauDurée de fonctionnement : 1h44Agent de ventes: Pyramide International