La politicienne française chevronnée Roselyne Bachelot a pris un coup de poing extraordinaire sur l’industrie cinématographique française et le système de financement public qui la maintient à flot dans un mémoire franc racontant son mandat difficile en tant que ministre de la Culture de la France pendant la pandémie de Covid-19. Intitulé 682 jours – Le bal des hypocrites (682 jours – Le bal des hypocrites), le livre suscite la controverse en France après sa publication là-bas jeudi pour la critique ouverte de Bachelot du comportement de chacun, des technocrates aux conseillers municipaux en passant par les « stars on gros salaires » pendant la crise sanitaire. Dans une section sur l’industrie cinématographique, Bachelot a remis en question l’efficacité des mécanismes de financement de l’État français pour le cinéma, suggérant que le principe moteur de l’exception culturelle française aboutissait à des films qui n’intéressaient pas le grand public.
« La fameuse ‘Exception Culturelle’ permet en effet à de très nombreux films français ‘de ne pas trouver leur public’, pour le dire poliment, ou plus explicitement, d’être des flops », écrit-elle. « Ce système garantit également aux acteurs principaux des cachets extraordinaires, trois ou quatre fois supérieurs aux acteurs du cinéma indépendant américain. » « Les subventions publiques, l’avance sur recettes, les allégements fiscaux, l’intermittence (régime de soutien aux indépendants du spectacle) ont créé une économie assistée qui se soucie peu des goûts des spectateurs et méprise même les films populaires et rentables », a-t-elle poursuivi.
Elle a rappelé comment donner à Dany Boon un César pour le succès au box-office de ses films avait été accueilli avec dérision dans certains milieux. « Offrir un César à Dany Boon et ses plus de 20 millions d’entrées… quelle idée ridicule ! elle a parodié. Bachelot ajoute : « Vous me direz peut-être que certains de ces flops sont peut-être des œuvres essentielles que nous découvrirons plus tard avec un sentiment de culpabilité d’avoir raté leur génie.
C’est toujours ahurissant de voir à quel point les gens de « gauche » méprisent « les gens » qui, pour eux, ont des goûts de merde. Ses commentaires arrivent à un moment complexe pour le cinéma français et il est peu probable qu’ils soient bien accueillis par de nombreux professionnels du cinéma locaux. Les titres français commerciaux et d’art et d’essai ont eu du mal à attirer le public dans les salles en 2022.
Pour la première fois en 30 ans, pas une seule production française ne figurait dans le top 10 des films les plus rentables de l’année en France. Interrogée sur ses propos sur la radio RTL dans une interview promotionnelle pour le livre, Bachelot a dit espérer que ses réflexions seraient utiles à l’ensemble du secteur culturel. « Quand on vit quelque chose d’aussi extraordinaire que moi en tant que ministre de la culture dans une période où presque tout le secteur culturel est fermé… il est important de faire le point.
Le monde de la culture et le ministère de la culture sont à la croisée des chemins. Il y a des choses qui se passent, des changements lourds qui font que la manière dont nous avons mené les politiques culturelles arrive en quelque sorte à la fin de son mandat. Elle a cependant nié que ses commentaires sur le financement du cinéma signifiaient qu’elle estimait que la France mettait trop d’argent de l’État dans le cinéma.
« Ah non ! Il est parfaitement logique de continuer à le faire. Si la France est le seul pays européen à avoir une industrie du cinéma, qui à son tour alimente une industrie sur les plateformes, c’est grâce aux politiques que nous avons mises en place depuis 1946, depuis la création du Centre national du cinéma (CNC), » elle a dit. « Nous devons le maintenir.
» Bachelot a été nommé ministre de la Culture début juillet 2020, quelques jours seulement après la réouverture des cinémas français, après une fermeture de trois mois en raison de la première vague de Covid-19. L’optimisme estival a été de courte durée après que l’Europe a été frappée par de nouvelles vagues de virus à l’automne, ce qui a conduit le gouvernement français à ordonner la fermeture des cinémas le 30 octobre pour rouvrir le 19 mai 2021. D’autres espaces culturels publics ont également été fermés pour grande partie de la même période.
Cette décision a provoqué la fureur dans le secteur de la culture, en particulier après que les magasins et les centres commerciaux ont été autorisés à rester ouverts à l’approche de Noël, le ministère de la Culture du pays portant le poids de la colère. La frustration du monde du cinéma s’est répandue sur la scène de la cérémonie des César 2021 en mars 2021, via des gags et des discours visant le gouvernement, culminant avec la célèbre déshabillage de l’actrice Corinne Masiero, pour révéler le slogan « Pas de culture, pas d’avenir » badigeonné sur ses seins et son corps. Bachelot dissèque la soirée dans ses mémoires dans un récit suggérant qu’elle n’a pas été impressionnée par les gestes.
« La Cérémonie des César se présente comme ‘la grande fête du cinéma français' », écrit-elle. « Pour les ministres de la culture, c’est un calvaire. A défaut de reconnaissance, ne demandons pas l’impossible, on pouvait au moins s’attendre à un salut bref et courtois du représentant de l’Etat lors de la cérémonie », écrit-elle.
Le monde du cinéma, a-t-elle suggéré, devait se montrer publiquement méprisant envers son État bienfaiteur pour marquer le fait que l’art et la culture ne s’achètent pas. « Cela conduit toujours au même scénario », a écrit Bachelot. « Des hommes et des femmes déguisés en quatre, à plusieurs milliers d’euros, coiffés, chaussés, bijoux et maquillés par les meilleurs professionnels de Paris, clament leurs engagements politiques bien intentionnés et accusateurs.
« Ils saupoudrent leurs interventions de paroles concoctées par un ‘gagman’ épuisé, visant le ministre, avachis sur leur siège comme un boxeur assommé dans le coin du ring, puis s’enfuient vers Fouquet », a-t-elle poursuivi, faisant allusion au restaurant haut de gamme des Champs Elysées qui accueille traditionnellement le dîner de gala post-cérémonie. Bachelot a occupé le poste de ministre de la Culture jusqu’en mai 2022, date à laquelle elle a été remplacée par Rima Abdul Malak dans le cadre d’un remaniement ministériel à la suite de la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence française pour un second mandat. Elle a également assisté à la cérémonie des César 2022 qui était une affaire plus discrète, se déroulant sans incident majeur.
Ses commentaires interviennent également à un moment sensible pour l’Académie des Césars qui tente de redémarrer après son effondrement célèbre en 2020 au milieu d’accusations de manque de transparence, d’égalité des sexes et de diversité, ainsi que de fermer les yeux sur les nominés faisant l’objet d’une enquête pour crimes d’agression sexuelle. L’organisation a été remaniée avec la création d’une coprésidence, d’un conseil d’administration et de chefs de chapitre paritaires et vient d’annoncer de nouvelles règles qui excluront les personnalités du cinéma faisant l’objet d’une enquête pour des allégations d’inconduite sexuelle. En arrière-plan, sa cérémonie de remise des prix, comme le cinéma français, peine à attirer les spectateurs.
L’édition de l’an dernier n’a attiré que 1,3 téléspectateur pour Canal Plus, soit un tiers de l’audience de son édition record de 2012 avec 3,9 spectateurs à l’écoute.